mardi 30 avril 2013

Les derniers partiels et la vie 2/3


Droit international

Vendredi, midi.

En théorie, tu envisages toujours le matin précédant un partiel comme un créneau bonus te permettant de relire les derniers articles doctrinaux publiés par ton prof.

En pratique, ce matin là, tu es rarement capable de quelque chose.

Levée beaucoup trop tôt (en pensant pourtant qu’il n’est plus l’heure d’être à l’heure), je m’extirpe du terrier en direction de la bibliothèque, où, arrivée sous la grande verrière et la lampe opaline, poco a poco, ma concentration diligente se mue en une excitation dissipée. Je survole les fiches, je me répands en pronostics, je zone dans l’aile Soufflot entre café-gobelet, Winston Slim, et pipi-room.

Le droit international public est une belle matière d’utopistes, relativement agréable à étudier (j’adore, en plus des noms bigarrés de la jurisprudence, les leçons de géopolitique qui s’y trament en décalcomanie). Anyway, il est 11h50, l’ambiance se plombe peu à peu. De sa grande natte blonde, de son mini 36, et de son QI XXL, « Madame le Professeur» pénètre la salle d’examen.

« Dans quelle mesure les extraits rapportés de la décision CIJ 1957 Certains emprunts norvégiens France c/ Norvège illustrent la logique du droit international public ? »

#volonté commune des états
#conditions de réciprocité
#subsidiarité du juge international.

Droit public n°1

Lundi, quatorze heures.

En théorie, tu penses que chacune de tes compositions universitaires répondra à la formule cicéronienne « la pensée est libre ».

En pratique, sache que si tu dois d’abord te coffrer la méthodologie de la forme et la rigueur du syntagme juridique, tu finiras, en fin de second cycle, par t’abandonner entièrement à l’éthique du Maître.
Herr Professor tient à ses postulats et souhaite se masturber l’égo en lisant ta copie.
En conséquent, s’il te suggère d’abord subrepticement d’acheter son bouquin (« tout le cours est dans mon livre », façon « je dis ça, je dis rien »), c’est pour, ensuite, te balancer un partiel sur un sujet qu’il adule.
En clair, si t’as pas l’aura intellectuel d’un Habermas en devenir, il t’est absolument conseillé de ne pas faire de vague - «l’ennui naquit un jour de l’université » Balzac

L’exercice devient plus pénible encore lorsque le fameux bouquin (et donc l’ensemble du cours, t’as compris) aborde les mouvances du droit constitutionnel façon 100% réac (la-faute-à-l-immigration/la-faute-aux-droits-de-l-homme/et-vive-le-souverainisme).

Dès lors, tu fais «le trottoir sur ta copie », tu racoles activement der Herr Professor.
Prise en flag de fayottage, t’en viens même à t’épancher sur la décision d’irrecevabilité de la CEDH concernant le référendum suisse anti-minaret.
#Honnêteté intellectuelle en berne mais je veux mon année

Droit public n°2

Mardi, treize heures.

Le vote du projet de la loi Taubira a lieu à l’Assemblée, je passe le dernier partiel écrit du reste de ma vie (te braque pas sur l’effet d’annonce, y a peut être moyen que je me chauffe pour un LLM). Je maîtrise P-A-R-F-A-I-T-E-M-E-N-T les 25 jurisprudences fondamentales et considère avoir intégré la complexité du séminaire.

Et pourtant, au moment de tout donner, une lazy synergie m’envahit, une quasi-flemme, une langueur d’esprit, un manque d’étincelle…

#Foutredieu
#il y a du soleil
#allons boire des coups

dimanche 28 avril 2013

Les derniers partiels et la vie 1/3


J-10 : bureau, fiches et manuels

A 7h30 réveil, à 7h50 thé vert, à 8h pain grillé et confiture de myrtille.

A 8h30, bureau, fiches et manuels.

Chaque matin, dans les environs de 8h40, j’épie mon petit vieux de voisin, tout vêtu de son peignoir jaune, préparer sa Ricorée. A 9h15 précisément, le « petit couple» d’en face quitte les lieux, en partance pour l’école d’avocats. (Les enculés chanceux ont eu le barreau cet été (la vérité, c’est vrai) (et je te raconte pas le calvaire que ça a été d’annoncer à leurs mines radieuses l’échec lâchement minimisé par un « j’ai foiré l’oral »)

Dépassant mon côté « Amélie-Poulain-je-guette-tout-ce-qui-se-passe-dans-l-immeuble », je me bouchonne l’oreille d'une paire de boulles Quies fluo, révise jusqu’à 13h, allume la radio (mais quelle régalade cette affaire Cahuzac !) et fais chauffer des Penne Rigate.

A 14h, en pyjama, sans maquillage, le cheveu sec non démêlé : bureau, fiches et manuels.

A 16h30, j’enfile un maillot de bain à fleurs, je sors dans le quartier. Je respire l’air. Je vais à la piscine.

18h, bureau, fiches et manuels.

20h, je bois une soupe aux « légumes du soleil » (et vive Picard) en écoutant de la musique les décibels «à donf». Je danse « la danse qui défoule » en faisant sécher ma manucure « nails-caviar ».

A 21h30, bureau, fiches et manuels.

A 23h, je lâche tout, je m’enroule dans la couette et mate « The Staircase » en fumant des clopes.

Contre toute attente, du fond de mon terrier, je me fous de l’hypothétique redoux, des sorties ciné des mercredis à venir (et fuck l’ « irrentabilité » de ma carte UGC) et des apéros en terrasse de chaque week-end prochain. Silencieusement, je tiens l’objectif, je savoure l’adrénaline, j’apprécie le « face to face » tranquille entre « me, my self and I ».

Et si l’ecclésiaste nous enseigne qu’ « en augmentant sa connaissance, on augmente ses tourments », laisse moi préférer l’aphorisme inaugural de l’institut du monde arabe, « le savoir confère un pouvoir éternel » (si tu en connais l’auteur, envoie moi un mail, ça fait longtemps que je cherche sa trace).

Car, rétrospectivement, ce n’est pas rien de se tenir, en ce vendredi 19 avril, sous les arcades majestueuses de la place du Panthéon, la tête pleine de jurisprudences de la Cour de justice internationale (d’ailleurs je vais me prendre cette matière à l’oral du barreau, j’aime bien les noms « poétiques » des arrêts - #Plateau-continental-de-la-mer-du-Nord #Pêcheries-norvégiennes #Cargo-Winner)à savourer un dernier shoot nicotinique avant l’ouverture des derniers partiels.

A t’en foutre la larme à l’œil (maquillé, pour l’occasion).

samedi 20 avril 2013

Passe tes partiels, reprends ton blog

Je t'avais parlé du "marathon de la fiche",
Je t'avais expliqué les "situations-merde-noire-pré-partielles",
Comme en avant goût de l'été,
Nous y sommes.

Laisse-moi encore trois jours de silence.

Et en m'attendant, fais moi passer ce compteur-bloggeur au dessus des 10 000 vues.


samedi 13 avril 2013

Le terrier, le rat et la carpe


Il y a un an, tu m’aurais dit que mes vendredis soirs s’occuperaient à boire du thé devant le gris de mon bureau, je ne t’aurai pas cru (« Sinon, y a apéro/soirée/after aux « Enfants de Paris », tu viens ? »)

Il y a un an, tu m’aurais dit, que je passerai mes vacances de printemps à tenter de finir  un mauvais sujet de mémoire, je t’aurais rétorqué que le soleil c’est sacré (« Nan mais allô quoi » à la même période j’étais avec Blondy à scruter les étoiles de Santorin en buvant de l’Ouzo à la santé de « Pépère » (rappelle toi, c’était le premier tour et m’agresse pas, j’avais fait une procuration).

Il y a un an, tu m’aurais dit qu’un an plus tard, je serai TOUJOURS en train de passer le barreau, je t’aurais dit d’aller te faire foutre.

Autre chose.

Il y a deux mois, tu m’aurais dit qu’un braqueur de deux roues m’aurait ENCORE UNE FOIS volé mon vélo (la deuxième fois en 42 jours) (la faute à l’anagramme ou quoi ?), je t’aurais dit de m’offrir une pince-coupe-cadenas pour mon anniversaire (ouais c'était début avril). Parce que sans vélo : pas de bibliothèque (#jeveuxplusprendrelemétroçamestresse#).

Et donc ?

C’est l’histoire vraie du terrier, du rat et de la carpe (Big Up Jean-Jean la Fon-Fontaine).

Comprends donc que je m’installe plus intimement encore dans l’atmosphère cistercienne du préparationnaire (marquant ainsi la fin des départs matinaux oxygénant et l’oubli du café-goblet bavard avec les friends de la bibli).

Dès lors, je transforme la maison en temple du savoir (viens donc jouer à la marelle sur les feuilles éparpillées), je maximalise le temps, j’arbeit au terrier.

Lecteur préparationnaire, n’entends-tu pas le métronome s’activer subtilement (dans 165 jours, passe ton barreau), les échéances se rapprocher succinctement (dans 7 jours, passe tes partiels) et le temps t’échapper chaque jour un peu plus ?

Et, ressens-tu le rat qui grignote ?
Dès le réveil, durant la journée, et perfidement le soir venu :
Le rat grignote le ventre comme une sensation d’intestins saucissonnés,
Le rat grignote le cœur, l’humeur, l’envie rendant tout linéaire,
Le rat grignote l’encéphale activant le doute et générant la peur.

Quand je finis par sortir du terrier, pour retrouver l’amitié radieuse des vendredis soirs, j’ai parfois l’envie de me faire carpe. Comme un moyen de rester en dehors du jeu, comme une façon de ne pas précipiter l’envie d’être cigale (et puis surtout parce que le terrier et le rat, ça n’a jamais intéressé personne)

« Je te souhaite de trouver bientôt ton état normal dans le travail, qui est, je le pense, malgré toutes les alternatives, le seul refuge où l’on trouve le contentement réel de soi » P.Cézanne

mercredi 3 avril 2013

Les petits rêves frivoles d’une préparationnaire


Quand j’étais petite, je spéculais sur mon indépendance en l’imaginant vouée à la possibilité infinie de manger du Nutella à toutes heures de la nuit.

Quand je fus lycéenne, je pensais que toute la vie s’habillerait de longs jupons de coton et de fleurs dans les cheveux.

Quand je suis arrivée à la fac de droit, j’ai oublié le Nut’ (You know en plus des super-calories, il y a du mauvais-plastique-crado) et enfilé l’uniforme de l’étudiante (Big Up Claude Pinoteau) pour me consacrer au code civil (Ô rappelle-toi la fierté de ta première fois, quand, tout juste déballé de son plastique transparent, tu ouvris le lourd pavé li de vin, symbole de ton entrée dans le club des Portalis/Maleville/Tronchet).

Après les incertitudes innombrables (en vrai, ça s’arrête un jour ?), toujours engendrées par une vox populi férue de phrase type «c-est-impossible-d-avoir-sa-L2-sans-redoubler », j’ai songé au barreau dès ma deuxième année.

Maintenant, comme tous préparationnaires investis, je rêve de ma prestations de serment (j’ai déjà choisi les shoes – rappel de couleurs oblige, ce sera une paire de Cambon Chanel), je fantasme mes futurs jeunes-mâles-dociles-de-stagiaires et chaque heure chaque jour, tel un mantra dédié à Ganesh, je répète en boucle « Passe ton barreau, pécho ta robe » (#Hellocestmomentcom#).

Mais permets moi de te susurrer mes plus intimes ambitions.

Outre le sourire greffé un mois durant façon Julia Roberts (incarnant Erin Brockovich plutôt que la pretty woman de Vivian Ward please), la méga-teuf-de-72-heures avec les friends, l’appel ému aux grands-parents, et la virée lèche vitrine chez Ponsard & Dumas, j’ai mes « petits rêves post barreau » comme des envies minuscules et frivoles qui marqueraient la grande victoire de mon abnégation (et le triomphe de mon encéphale).

Ainsi, je t’annonce, dès que j’ai le barreau :

1) Je vais me teindre la tignasse en rousse incendiaire (parce que Maître Karlsson dans Engrenages c’est moi version pénaliste les zboubs en moins (et puis, je l’admets, je voue un culte inégalé à Isabelle Huppert – grimace pas je L’aime)

2) Je me fais tatouer la balance graphique des éditions Dalloz : je me tâte encore quant à l’endroit (le pied c’est bien nan ?)

3) Je débute ma collection privée de code civil. Visualise mon bureau de ténorE du barreau, la soixantaine bien frappée, exhibant un mur de codes débutant par un collector de 1804, reprenant en 1987 (maintenant tu connais ma date de naissance), et s’achevant en 2054 (je ne t’évoque pas la retraite, ça n’existera pas pour nous).